La continuité de… l’impunité (suite)

L’affaire de la découverte d’une cargaison de bois rose exportée sous de fausses déclarations continue à faire des vagues actuellement. Ainsi, les douaniers se sont mis en grève, las, semble-t-il, de toujours être le bouc émissaire alors que les commanditaires ne sont nullement inquiétés.

Et pour cette fois-ci, le nom d’un grand opérateur économique malgache et non moins proche des hautes sphères de la HAT est sur toutes leurs lèvres sans pour autant que les responsables au sein de la Douane n’osent le clamer à titre officiel.

Les médias ont été également peu loquaces, au contraire de leurs habitudes. Une certaine censure, pas étatique mais d’une autre origine, serait, dit-on, à l’œuvre au sein de nombreuses rédactions. Certains journalistes avancent même qu’ils craignent pour leur vie étant donné l’envergure financière des transactions dans ce domaine qui est « l’apanage d’un véritable réseau mafieux », déclare-t-on.

Même les autorités se rejettent la balle, aucune n’osant également divulguer ce nom qui est pourtant connu comme le loup blanc : le ministre de l’Environnement et celui de la Justice s’en remettant aux organes chargés des investigations, investigations qui tardent bizarrement à aboutir alors que tous les dossiers afférents à cette exportation illicite, dont le nom du propriétaire de cette cargaison, sont entre leurs mains.

Et bizarrement également, le chargé de la communication au sein de la Présidence brille par son silence, ce service pourtant si prompt à réagir à grand renfort de tam-tam médiatique à chaque haut fait concernant ce trafic.

Et dans tout cela, les justiciables sont en plein désarroi, se sentant victime d’une injustice sans commune mesure devant cette impunité qui ne dit pas son nom. Leur confusion est à l’extrême car ils pensaient l’avènement d’un changement où nul ne serait plus au-dessus de la loi, un espoir qu’ils ont espéré se concrétiser davantage après que la Transition, par le biais de son organe judiciaire, ait condamné l’ex-dictateur Ravalomanana à des peines de prison pour ses nombreux crimes et exactions. Ils n’ont pas imaginé une seule seconde que la lutte initiée sur la place de la démocratie et continuée sur la place du 13 mai pour l’éradication de l’impunité et l’instauration de la véritable démocratie allait aboutir la continuité des anciennes pratiques. Ils n’ont également pas songé qu’ils ont enduré les violentes répressions des forces de l’ordre à la botte de l’ancien despote durant lesquelles certains ont même perdu leur vie pour qu’un opérateur véreux puisse se remplir impunément ses poches alors qu’ils, ces justiciables, doivent se débattre dans une paupérisation toujours plus accentuée à chaque jour qui passe de cette crise.

Ils n’ont dorénavant que leurs yeux pour pleurer en ruminant que celui qu’il pensait être leur sauveur ait pu s’acoquiner avec de tels individus, d’un côté, et, de l’autre, ils doivent courber l’échine et faire le dos rond devant les railleries de leurs adversaires, les partisans du président déchu, à qui les événements semblent donner raison, du moins en attendant une éventuelle réaction de celui en qui ils ont eu foi.

Mais en attendant, la continuité de l’Etat pour la majorité des Malgaches au stade actuel de la situation s’apparente à la continuité de… l’impunité

N. Randria